Pariscope/Première.fr

Jérémie Graine est à l’étroit dans sa tête et au sortir de son one man show qui se joue actuellement sur la scène mouchoir de poche du Petit Théâtre du Kibélé, on comprend bien pourquoi. Car il s’en passe des choses là-dedans, et puis il y en a du monde aussi. Bref, ça se bouscule au portillon, ça se presse de tous côtés, ça s’agite tous azimuts dans ce cerveau en ébullition et nous, là, en face, le public, on assiste, sidéré, à l’assaut de tous ses personnages autant qu’à la naissance d’un artiste en train de s’affirmer. Il s’agit en effet d’un premier spectacle en solo bien qu’on ait déjà vu le comédien maintes fois à l’œuvre sur les planches, témoignant d’aptitudes physiques impressionnantes et d’un goût pour la métamorphose récurrent. Jérémie endosse ici son propre texte et nous invite, avec humour cela va sans dire, à une immersion dans les méandres de son subconscient torturé, sur les chemins de l’apaisement et de la réconciliation avec soi-même. La route est parcourue de digressions buissonnières dans lesquelles on croise une belle brochette de personnages, notre soliste les interprétant tous avec efficacité, souplesse, dynamisme, passant de l’un à l’autre sans qu’on ait eu le temps de reprendre notre respiration. L’exercice n’est pas nouveau mais la singularité de Jérémie réside dans sa propension à intégrer dans son jeu les techniques qui l’ont façonné comme comédien, notamment le cirque, le mime et la commedia dell’arte, rencontrées au cours de sa formation (aux Ateliers du Sudden et à l’Académie Fratellini). Ajoutons à son bagage une cinéphilie évidente qui nourrit son spectacle de références et d’images fortes (notamment la toute première, entrée en matière non conventionnelle, à mille lieux des ouvertures ordinaires du genre, plus théâtrale que comique à proprement parler) et nous obtenons une forme hybride réjouissante entre le seul en scène et le one man show. Car on rit, certes, face aux interrogations et prises de têtes de ce jeune homme attachant, devant les mésaventures de son double comédien en mal de gloire, mais Jérémie Graine sait aussi nous amener ailleurs, sur le terrain de l’émotion. Et en profite pour nous glisser quelques maximes utiles sur la vie. On comprend alors que le fil rouge de ce spectacle, c’est aussi et surtout ça, l’histoire de la transformation d’une chenille en papillon. On y assiste avec joie.

Marie Plantin

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